Rapport des fouilles archéologiques

3-9 octobre 2011

Du 3 au 7 octobre ont eu lieu les premières fouilles archéologiques aux « Glory Hole », suivies par les journées portes ouvertes les 8-9 octobre. L’équipe britannique a travaillé en étroite collaboration avec le GEIOS (Groupe d’Intervention et d’Etude des Ouvrages Souterrains), des archéologues français et le service de déminage. Les locaux ont apportés une aide précieuse.

Interprétation du site

Les tranchées britanniques et allemandes, à la fois sur le site et au-delà vers Lochnagar crater, ont été marquées avec des drapeaux, les jaunes indiquant les positions françaises et britanniques, et les rouges la ligne de front allemande. Ce travail était indispensable pour la disposition du site dans le paysage plus large de la bataille. Des vues aériennes du site avec le traçage des lignes de tranchées sont visibles ici : Photographies Aériennes.

Les drapeaux rouges montrent la ligne de front allemande passant près de la route de Bécourt. Les poteaux rouges avec les tableaux noirs marquent le site de nombreuses entrées de puits. A travers le No man’s land, on peut voir les drapeaux jaunes des lignes britanniques.

Linesman (un système qui permet d’associer les cartes de tranchées avec des cartes modernes avec une interface GPS) a été utilisé pour tracer les lignes d’origine. Les résultats on été croisés pour correspondre avec une photo aérienne de 1915 superposée aux images de Google Earth. Une erreur d’à peu près 5 mètres a été découverte sur les cartes de tranchées britanniques disponibles sur le système Linesman. On pouvait le vérifier avec des tranchées connues existantes, toujours visibles dans le paysage.

Ce panneau marque la localisation de la Tranchée Quémart, nommée d’après le sous-lieutenant de réserve Frédéric Quémar, 19ème RI, tué le 7 février 1915.

Les lignes de front et les noms de tranchée ont été marqués sur des panneaux. Les noms français et britanniques étaient notés tous les deux et dans le cas des noms français, les soldats qui avaient donné leur nom à la tranchée. Quelques 21 entrées de puits français, britanniques et allemandes ont également été mentionnées. De plus, des panneaux indiquant le lieu où les corps de 38 mineurs français et britanniques reposent encore dans des tunnels effondrés ont été placés à la surface directement au dessus (ou le plus près possible) de leur position dans le sol. Si les photos de ces hommes étaient disponibles, elles étaient ajoutées sur les panneaux. Dans le cas des français, les rapports de perte ont été reproduits. Dès que les recherches dans les archives seront terminées, la même chose sera faite pour les nombreux tunneliers allemands qui reposent toujours sous le site.

Ces panneaux marquent l’endroit où huit mineurs français reposent toujours sous terre, tués par l’explosion d’une mine le 7 février 1915.

 Archéologie

L’archéologie a été menée par des archéologues français qualifiés, sous la direction d’Anthony Byledbal, et avec l’autorisation de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC).

Détail de la carte des mines de la 179ème compagnie de tunneliers, montrant la localisation des Pentes X et Y de 1915, et de la Galerie W de 1916. Copyright National Archives, Ref: WO153/904, reproduit avec leur autorisation.

L’objectif archéologique de la semaine était d’explorer deux entrées de mines (Pente X et Galerie W) et des sections de leurs tranchées associées. Il s’agissait de comprendre leur forme et leur construction, un aspect qui soit n’a pas été noté dans les journaux de guerre britanniques, soit pour lequel les documents ont disparu ou ont été perdus. Nous espérions qu’un sondage réalisé pour localiser les restes des bâtiments de la ferme Granathof pourrait faire partie de l’étude, mais parce qu’il a été impossible d’organiser la géophysique nécessaire (résistivité) avant les fouilles, cette facette a été mise de côté. A la place, une section a été creusée à travers la tranchée Quémart street, qui en 1916 formait une partie de la ligne de front britannique, pour établir sa profondeur et sa forme.

Pente X

La Pente  X est un des cinq accès similaires commencés selon les rapports britanniques en septembre 1915 immédiatement derrière la ligne de front, qui à l’époque contournait les lèvres du cratère. Cette entrée particulière partait de Quémart street, une tranchée de communication construite à l’origine par les troupes françaises, qui devint ensuite la ligne de front. L’objectif des tunneliers était de creuser une galerie d’entrée à une profondeur où les tunnels pourraient être amenés sous les travaux allemands, qui se rapprochaient dangereusement de  la ligne de front britannique.

L’entrée d’origine de la Pente X. Jusqu’à ce que les fouilles commencent en octobre 2011, cet effondrement, datant de 2010, était le seul accès au système de tunnels. On peut voir le sergent des Royal Engineers Steve Boylan préparant un conduit d’air à utiliser en sous-sol.

Il s’est révélé impossible de localiser la jonction entre la pente et Quémart street en raison de la masse de matériel retrouvée par les archéologues à l’entrée du tunnel, constituée de jarres de rhum, de boites de confiture et de lait condensé, de boites de corned beef et de maconochie (britanniques), de bouteilles (françaises et britanniques), de pots de cornichons, de balles, et d’autres objets plus personnels comme une flasque plaquée argent. De plus, une grande quantité de fragments de barbelé bien conservé et dangereux, apparemment français, et un piquet en métal d’origine ont également été trouvés là. Le retrait prudent de ces objets a ralenti la progression. Les quelques mètres restants de tunnel / tranchée couverte connectés à Quémart seront terminés au printemps prochain. La zone au dessus de l’étroite « gorge » de la galerie près de l’endroit où elle rejoint la tranchée s’est apparemment effondrée. Elle aurait pu ne pas être couverte de terre solide mais par une autre forme de protection contre les éclats comme des sections d’abri nissen ou de lourdes poutres. Une fois cette protection pourrie ou enlevée, la géologie des environs se sera affaissée et aura bouché la galerie.

Du matériel de tranchée provenant de l’entrée du tunnel, dont des jarres de rhum, des pots de confiture et de lait concentré, et des conserves de Maconochie et de corned-beef.

La large collection d’objets trouvés ici provient peut-être de déchets produits et éliminés par les occupants de Quémart street, ou de détritus rassemblés et déposés par les nettoyeurs après guerre. Finalement, la zone a été nettoyée par les archéologues, révélant une grande partie de l’entrée de la galerie effondrée en dessous. Les étais latéraux étaient toujours visible, mais dans un très mauvais état. Le niveau du sol d’origine de l’étroite inclinaison, menant à la principale Pente  X plus abrupte à 40 degrés, a été créé avec une série de sacs de sable.

La Pente X après ouverture et nettoyage. Les étais verticaux sont toujours visibles, mais dans un état de décomposition avancé.

Tout cela, étudié avec les dimensions de la longue et étroite galerie, montrent que les déblais étaient sortis à la main plutôt que dans un wagon sur rails. A l’endroit où la galerie amorce sa descente plus marquée, les dimensions du boisage sont de 84cm de large à la base, 1,12m de haut et 45cm de large au plafond. Les tunneliers britanniques n’ont pas travaillé longtemps sur la Pente X. Bien que les travaux soient abandonnés en faveur de la Galerie W, les galeries ont été gardées ouvertes comme voie de secours alternative. Une partie de la main-d’œuvre a été utilisée pour creuser les puits verticaux de 15 mètres à partir des chambres situées à 9 mètres. Parce que les rapports français font aussi part d’un ouvrage noté « X », des recherches sont en cours sur l’origine précise de cette pente.

Galerie W

La Galerie W est commencée en Mars 1916 pour créer un meilleur accès au Puits W. Elle facilitait grandement l’extraction des déblais du puits, qui lui-même permettait l’accès au réseau de mine des 24 mètres. Par le forage d’autres puits, ce niveau a été étendu à une profondeur de 30 mètres, donc d’importantes quantités de déblais devaient être enlevées par la voie du Puits W. La nappe phréatique se trouvait juste en dessous de 100 pieds (30 mètres).

Peter Barton utilise un géophone pour localiser la Galerie W. Les membres de l’équipe, deux mètres en dessous, frappent sur chaque mur de la galerie, le son étant localisé et marqué à la surface.

Pour rouvrir la Galerie W, il fallait débord la localiser à la surface. Cela était possible grâce à un géophone, appareil d’abord développé en 1915 pour la guerre souterraine. Les membres de l’équipe  dans la galerie, donc sous terre, étaient en contact avec leurs collègues de la surface par un téléphone de campagne. On leur a demandé de taper sur chaque mur de la galerie respectivement, et le son était localisé par le géophone et marqué à la surface par des pierres. Malgré un manque complet d’expérience de l’opérateur, la méthode s’est révélée très efficace, avec une erreur de seulement 40 centimètres. La galerie a été rapidement trouvée. Sa partie haute s’était effondrée sur une distance d’environ 7 mètres à partir de son point d’origine dans Scone Street, une tranchée de communication britannique. Cet effondrement pourrait être aussi le résultat du retrait des étais ou de la protection en métal contre les éclats. Les restes de lourds étais verticaux ont été trouvés, montrant qu’il existait sans doute une forme de couvrement. Il est certain qu’une large quantité de terre était entassée au dessus de cette partie très vulnérable de la Galerie, pour permettre de dévier et contenir les effets des tirs d’obus et de mortiers.

Les villageois inspectent la Galerie W tout juste ouverte.

La Galerie W était bien plus spacieuse que la Pente X, avec 1,80m de haut et 1,45m de large. Le sol était plus régulier que celui de la Pente X. Au centre de la galerie se trouvaient des vestiges bien visibles de rails qui facilitaient l’extraction de la craie produite par l’avancée des systèmes à 24 et 30 mètres, et les travaux adjacents. Le chemin suit un motif classique de rails et traverses, et semble être fait de rails en bois. Il aurait été utilisé aussi bien pour sortir les déblais que pour descendre les étais à la tête du puits – et bien sûr les explosifs pour les nombreuses charges détonnées en sous-sol pendant la période de la guerre des mines. L’archéologie du sol d’origine de la galerie W sera terminée pendant l’hiver 2011-2012.

Puits W

L’ouverture de la Galerie W était nécessaire non seulement pour donner un accès sécurisé à la chambre du Puits W mais aussi pour produire une circulation d’air à travers les galeries qui connectent les deux entrées. L’ouverture des deux entrées a créé un flot naturel, avec la Pente X pour l’arrivée et la Galerie W pour la sortie.

Une caméra Go-Pro HD prête à être descendue dans les 15 mètres du Puits W. L’enregistrement a montré que le puits était en excellent état de conservation sur toute sa longueur visible.

Avec l’amélioration de l’accès et l’aération, une caméra GO-Pro HD a été descendue dans le puits de 15 mètres pour s’assurer de l’intégrité de la structure des murs de craies non-étayés de l’ouverture carrée (1,5 m environ de côté), et des conditions au fond. Les images ont montré que le puits était en excellent état de conservation sur toute sa profondeur visible. A la base, des débris tombés de l’ouverture du puits et du plafond de la chambre semblent avoir atteints une hauteur d’environ 1 mètre, bloquant l’accès aux deux galeries qui partent approximativement vers l’est et l’ouest à une profondeur de 24 mètres, au fond du puits.

La chambre du Puits W. La zone entière a besoin d’être nettoyée, sécurisée et fouillée avant de pouvoir tenter une descente dans les niveaux inférieurs.

La phase suivante de travail souterrain préparera la descente dans le puits. Il faudra commencer par la tâche complexe de soutenir le plafond, en parallèle avec le nettoyage des débris et l’archéologie de toute la longueur de la galerie et de la chambre du puits elle-même.

Granathof

Les fouilles pour localiser les restes de Granathof, la ferme qui se trouvait à l’origine sur le site, n’ont pas encore commencé, en attente du sondage de résistivité. Aujourd’hui, à part les nombreuses briques dans et autour du cratère, il n’existe aucune trace de la ferme au dessus du sol. Nous espérons avoir en 2012 les résultats géophysiques qui pourraient indiquer si les vestiges de la ferme sont toujours là. Si c’est le cas, il y aura un ou plusieurs sondages pour examiner ce site très symbolique pour les troupes bretonnes qui ont tenu ce secteur jusqu’à l’arrivée des Black Watch en août 1915.

Portes ouvertes

Bien que le site ait été ouvert à tous pendant les fouilles, des journées portes ouvertes spéciales ont eu lieu les 8 et 9 octobre. En plus des visites en surface, l’excellent état de la Pente W a permis au Groupe d’emmener de petits groupes de 5 visiteurs à la fois, en toute sécurité, sous terre jusqu’à la chambre du Puits W.

Les visiteurs font la queue pour entrer dans la Pente W par petits groupes. Ils ont été emmenés jusqu’à la chambre du Puits W, à une profondeur de 10 mètres.

Le soutien et la connaissance des communautés locales sont vitaux pour le projet. Ainsi, les portes ouvertes du samedi 8 était destinées aux habitants de la Boisselle et plus généralement de la région d’Albert. Dans une grande tente militaire, une exposition présentait des cartes, des plans, des panoramas, des photos et des objets. Fortuitement, un large groupe de visiteurs britanniques était dans la région pour l’inauguration du nouveau mémorial d’Ovillers pour le 19eme Régiment d’Infanterie, qui a tenu les tranchées de ce site jusqu’en Juillet 1915. Des familles ont pu pour la première fois visiter le site où leurs ancêtres ont combattu.

Les visiteurs profitent de l’exposition de cartes, plans, panoramas, photos et d’art.

D’autres visiteurs sont venus, notamment des archéologues français reconnus dont Alain Jacques et Yves Défossés, des représentants de la Commission des Tombes de Guerre du Commonwealth (CWGC), le personnel de la DRAC et du Conseil général, et M. Jean-Marc Bassaget, sous-préfet de Péronne. Le Groupe a été particulièrement heureux d’accueillir les descendants de tunneliers britanniques qui ont servi à la Boisselle, dont un est mort sous terre et est enterré à Bécourt. Dans la soirée, lors d’un vin d’honneur spécial, le Groupe a saisi l’opportunité pour remercier les nombreuses organisations et personnes qui ont aidé et facilité le travail sur le projet jusqu’à ce jour. Il s’agit de la famille Lejeune (les propriétaires du terrain), Mme Line Wattraint, Maire d’Ovillers – la Boisselle et ses adjoints (et leur famille), M. Stéphane Brunel (Conseiller général d’Albert), le Conseil Général de la Somme, la Drac et le Ciras, l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, la Sécurité Civile et les Services de Déminage, les familles Delporte et Villain, et les nombreux habitants qui ont rendu cette première étape du projet si valorisante et agréable. Les toasts ont été portés avec du Champagne français, du vin pétillant anglais Chapel Down et avec de la bière William Hackett, une bière spécialement brassée pour l’occasion par la Brasserie Barngates, dans la région des lacs anglaise. William Hackett de Mexborough, Yorkshire, est le seul tunnelier de l’histoire à avoir reçu la Victoria Cross (NdT : La Victoria Cross est la plus haute distinction militaire britannique). Le Dimanche 09 était ouvert à tout le grand public, et le Groupe a été heureux d’accueillir de nombreux visiteurs du Royaume-Uni, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, du Canada, des USA, d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

Images sélectionnées

Carte de 1915 montrant les Pentes X et Y (nommées ici « drift »). Copyright National Archives, Ref: WO95/2033

L’historien Simon Jones aide Jeremy Banning à sortir de la Pente W : la première personne à sortir du tunnel depuis plus de 90 ans.

Poème dans la Pente X. Il a sans doute été écrit par un soldat d’infanterie pendant la corvée.

Daniel Deschamps du GIEOS à l’endroit du poème dans la Pente X.

Le nom de William Carr, daté du 16 mars 1916, sur le mur de la chambre du Puits W. William Carr servait dans le 11th (Lonsdale) Battalion, Border Regiment en mars 1916. Il a été tué en juin 1917 alors qu’il servait dans le 2nd Battalion, et il est enterré au cimetière britannique de Grevillers, près de Bapaume.

D’autres graffitis dans la Pente X faits par les hommes du 11th Border Regiment. Deux des noms sont ceux d’Obadiah Henderson et William Chard.

Vue de la chambre du Puits W. Le tunnel de la Pente X arrive sur la gauche alors que la Galerie W, creusée en mars 1916, arrive sur la droite.

L’entrée de la Galerie W après son ouverture.

Iain McHenry et Gérard Delaney nettoient les débris à l’entrée de la Galerie W.

L’entrée de la Galerie W, déjà étayée et protégée de sacs de sable, reçoit sa première solide protection de métal.

La sécurité du site étant particulièrement importante, un filet est mis en place au-dessus de l’ouverture de la Galerie W.

L’archéologue français Romain Leroy met à jour les traverses et les rails pour les wagons dans la Galerie W.

Ces panneaux et un mémorial temporaire marquent le site de Granathof. Il est fait des briques de la ferme d’origine trouvées dans les cratères.

L’archéologue Anthony Byledbal avec des visiteurs bretons sur le site de Granathof.

Panneau marquant l’endroit où les sapeurs John Lane et Ezekiel Parkes reposent toujours à une profondeur de 24 mètres, suite à l’explosion d’une mine le 22 novembre 1915.

Des visiteurs se recueillent à l’endroit où huit mineurs français, tués le 7 février 1915, reposent toujours.

Romain Leroy montre aux visiteurs le travail terminé sur l’entrée de la Pente X.

Des bretons jouent de la cornemuse à la tranchée Dohollou, nommée d’après le sous-lieutenant Jean Dohollou, du 19ème RI, tué le 3 mars 1915.

Des marches en sacs de sable facilitent l’accès à la Galerie W.

L’entrée de la Galerie W, sécurisée avec des étais, des sacs de sables, des renforts métalliques et un filet de sécurité.

Une croix du souvenir placée au dessus de l’entrée de la Galerie W par Barry Maule, neveu du sapeur George Maule, 179ème compagnie de tunneliers.

Une sélection d’objets, trouvés pendant la semaine, est présentée. Les trouvailles comprennent des boites de margarine et de cigarettes, des bocaux de cornichons, des boites de corned-beef et de confiture, des jarres de rhum, une flasque d’officier et un casque en acier britannique.

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